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BIENVENUE SUR LE SITE DU TANGO A ST BRIEUC !

 

SAISON 2023/2024 :

 

La MJC du Plateau vous propose du tango argentin, de la valse argentine et de la milonga :

Pour les cours :

tous les mardis :

- cours débutant : de 19h15 à 20h15

un mercredi sur deux :

- cours intermédiaire : de 18h30 à 19h45

- cours avancé : de 20h à 21h15

Les autres mercredis :

répétition de 18h30 à 20h pour les deux niveaux intermédiaire et avancé

Pour les pratiques :

tous les mardis et vendredis soirs de 20h30 à 22h30 : 

Pour plus d'infos voir les pages "présentation", "les cours", "les pratiques"

Et pour tous renseignements:

 

 

 

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                   Le tango, deux siècles de danse & de culture

 

Argentine ou Uruguay ? Le tango « rioplatense » dit argentin peut être attribué à ces deux patries. Tant

dans son histoire que dans son évolution, le tango a grandi sur les deux rives du fleuve Río de la Plata, qui

lui ont donné leurs musiques, leurs textes et leurs danseurs.

Le très célèbre tango, la Cumparsita (plus de 1500 interprétations enregistrées) a été composé à

Montevideo par un uruguayen, Gerardo Matos Rodrigues, mais enregistré à Buenos Aires grâce au

développement de l’industrie phonographique qui n’arrivera en Uruguay qu’en 1941.

Francisco Canaro, le chef d'orchestre le plus prolifique et le plus enregistré du tango, était uruguayen. Il a passé la plus grande partie de sa vie à Buenos Aires et à Paris avec son orchestre en « gaucho argentino ».

Julio Sosa, chanteur uruguayen, très en vogue dans les années 50 a connu ses meilleures années à Buenos Aires.

Carlos Gardel dont l’acte de naissance le fait naître à Toulouse en 1890, dont le livret militaire atteste de sa nationalité uruguayenne, détenait un passeport argentin : il deviendra un mythe à Buenos Aires et à Paris. Il chantait « Mi Buenos Aires querido » mais se disait « rioplatense », comme le tango.

 

Son histoire, sa géographie & son peuple

A la recherche d’un passage vers l’Océan pacifique, Juan Díaz de Solís découvre en 1516, l’estuaire du Río de la Plata. Vingt ans après, Pedro de Mendoza fonde en 1536 Santa María del Buen Ayre que les indigènes détruiront, avant que Juan de Garay ancre la seconde fondation de la ville qu’il nomme Ciudad de la Santissima Trinidad y Puerto de Buenos Aires. Jusqu’au XVIII° siècle, l’Argentine n’est qu’un vaste empire colonial espagnol dont l’autorité politique est détenue par la Vice-royauté péruvienne de Lima. Ce territoire se peuple avec les criollos, créoles qui revendiquent leur différence par rapport à la population espagnole. Au XVIII° siècle, l’Espagne doit morceler son empire colonial sud-américain : en 1776, naît la Vice-royauté du Río de la Plata, un territoire administratif constitué de deux régions : la « banda oriental » l’Uruguay et le Paraguay et la « banda occidental », l’Argentine dont Buenos Aires. Parmi la population criolla circulent des idées nouvelles avancées, importées de l’Ancien Monde des Lumières et de la Révolution Française.

 En 1810, les élites argentines sonnent l'heure de l’indépendance.

A la conquête agricole du désert, vient s'ajouter une révolution industrielle qui nécessite des bras. Saignée de ses populations indigènes et noires, exterminées, l’Argentine s’ouvre à l’immigration. La petite bourgeoisie urbaine qui délogera l’aristocratie autochtone du pouvoir, développe à Buenos Aires, une nouvelle classe populaire ouvrière.

C’est dans cet anonymat urbain et cette transformation radicale en rupture avec le passé latino américain indigène que naît le tango sur les deux rives du Río de la Plata avec une population métissée et étrangère à presque 47% à Buenos Aires et tout aussi issue de l’immigration à Montevideo.

Tandis qu’au XIX° siècle, le Río de la Plata devient le plus grand port d'immigration des Amériques, après New York, la milonga naît dans les bordels des faubourgs de Montevideo et de Buenos Aires. Pauvres et déracinées, ces populations se côtoient dans le contexte social miséreux des conventillos, triste invention de Buenos Aires en moteur de vie communautaire, avec un point d’eau et des toilettes communes. Une pièce souvent sans fenêtre faisait office de toit pour chaque famille, et beaucoup de familles se massaient ainsi dans la promiscuité des générations, à côté des étables à cochons, poulaillers… un tableau de laideur naturaliste cristallisant la pauvreté, la misère, l’insalubrité, la plus éloquente des inégalités sociales qui sera le berceau populaire du tango.

Là, s’entassent deux communautés : celle des anciens paysans et gauchos (gardiens de bétail) qui ont quitté la pampa, descendants des populations indigènes d’origine amérindienne ou des anciens colonisateurs espagnols, et celle des noirs, mulâtres et créoles descendants des esclaves africains.

Les humbles petits bals qui vont s’improviser dans les patios des conventillos, sont à l’image de cette population patchwork déracinée et à 75% masculine : « une échoppe de cordonnier noir, une épicerie galicienne, un marchand de tissu catalan, un tenancier d'hôtel français, des maçons napolitains sur les chantiers, des colporteurs syriens, des Turcs fumant le narguilé sur le trottoir, regardant passer des immigrés russes qui se pressent à l'office de l'église orthodoxe. »

Faute de femmes, les hommes désoeuvrés dansent entre eux en s’inspirant des danses traditionnelles et pastichant les danses picaresques locales et cadencées des noirs, héritées du candombé africain et de la habanera cubaine, reprise de la version, imitée par les anciens esclaves, de la contredanse de leurs maîtres espagnols. Cela a donné la « milonga » canyengue (canaille), qui est devenu le premier style de tango dansé dans les lupanars des faubourgs, du port et des abattoirs de Buenos Aires, au son des vieux pianos, violon, guitare et flûte.

 

250px-Tango-entre-homme.jpg

 

Les danseurs ajouteront de nouvelles figures, la coupe (corte), la cassure (quebrada) évoquant la séduction, l’acte sexuel, le machisme, mais aussi et surtout, les sentiments d’exilés, de nostalgie, de peine et d’espoirs. C’est un instrument allemand inventé en 1850 par Heinrich Band, le bandonéon, de la famille des instruments à boutons et à soufflet regroupés sous le nom de Konzertina, qui, par son phrasé mélancolique, grave et cadencé exprimera le mieux ces sentiments.

Ces danseurs de tango qui se pressent la nuit dans les cafés flanqués d’une piste de danse ou dans les bastringues, guinguettes de mauvaise réputation, vont codifier progressivement les pas simples et rapides et les rythmes marqués et enjoués de la milonga pour donner naissance au tango orillero, un nouvel art typiquement portègne du pas de deux et de l’abrazo (enlacement) enrichi de figures lascives à connotation sexuelle qui scandalisent la bonne société puritaine du centre-ville. Le peuple des défavorisés se retrouve dans cette nouvelle danse, le tango, qui unifie leur diversité et noie leur misère. Rien de différent de l’autre côté de la rive du Río de la Plata : les tanos (uruguayens d’origine italienne), les gallegos (d’origine  espagnole) et les negros (descendants des noirs), fréquentent les pulperías (brasseries) où se mêlent mazurkas, polkas, habaneras au son des orquestas típicas.

Les premiers tango-milongas et tango-criollos aux couplets naïfs et obscènes évoluent au début des années 1900 vers un répertoire plus élaboré ; les tout-premiers mini orquesta típica, uruguayens ou argentins, apparaissent sur une tonalité musicale plus sombre et plus mélancolique et seront les précurseurs d’un rythme musical plus lent, celui  de la Vieille Garde (Guardia Vieja), époque des tangos les plus célèbres.

« Le tango dansé présente à cette époque, un aspect provocant et insolant qu'il perdra au fur et à mesure de son ascension sociale. Bien que peu pratiqué en bal, ce style originel du tango dansé, tango canyengue, est encore toujours en vogue, et honoré par le Carnaval de Montevideo.

 

Son empreinte sociale et politique

Ces lieux étaient les seuls endroits pour les hommes « rioplatenses », de chaleur, de rencontre, de communication et d’humanité, telle une vie de quartier, parce qu’ils n’avaient rien d’autre. « Etre un homme de tango » signifiait simplement être un homme de Buenos Aires, se sentir portègne jusqu’à y implanter ses propres racines.

Mais doit-on se persuader pour autant que le tango dansé n’est que l’enfant de la misère, des maisons closes et des trafiquants ? Si tel était le cas, sa popularité se serait effacée quelques années plus tard dès la première guerre mondiale avec la disparition de ces lieux de délire nocturne. Le tango, expression profonde de l’âme populaire, n’a-t-il pas été plutôt porté par le prolétariat ? C’est à n’en pas douter pour cette raison que la classe dirigeante, héritière de la sévère morale espagnole et du puritanisme victorien, a longtemps méprisé le tango tout en résistant aux faubourgs envahissants et conséquemment, à une véritable démocratie. A noter que le bandéoniste Domingo Santa Cruz est resté inscrit dans les mémoires parce que l’Union civica qu’il a composée vers 1910, a servi d’hymne partisan du parti radical.

Sans contexte, l’Argentine est socialement et politiquement imprégnée de cette culture du tango. La plupart des paroles des tangos du début du XIX° siècle pointaient du doigt avec verve, les mauvais tours que le siècle était en train de jouer aux rêves des immigrants, travers d’une époque où la poésie se faisait le porte-drapeau de leurs désillusions.

Le tango va représenter un atout important dans la démagogie populiste dictatoriale du péronisme. Peron saisit l’occasion des efforts de guerre en profitant du marché qu’ouvre la reconstruction de l’Europe, pour sortir l’Argentine de la crise en préconisant une politique de modernisation radicale de l’économie, s’appuyant sur une base idéologique populiste dans les banlieues pauvres de la capitale où est né le tango. Le renversement du gouvernement péroniste ouvrira trente années noires pour le tango et pour l’Argentine.

La politique d’austérité mise en place par l’oligarchie qui a pris le pouvoir, touche tous les aspects de la vie argentine et au milieu des années soixante, ce sont les travailleurs et les libres penseurs qui en paieront le prix face aux militaires. Le conservatisme politique se double d’un conservatisme culturel qui réprime le tango, symbole du populisme péroniste.

La liberté de danser le tango reviendra avec la libéralisation de l’expression politique et sociale après la chute des « généraux ».

 

Ses origines d’Afrique noire

  250px-Candombe1870-Uruguay.jpg

 

Tout au long du XIX° et au début du XX° siècles, les musiques et danses très ritualisées des descendants d’esclave, importante population portègne du Río de la Plata, constitueront la genèse du tango dont la signification du nom trouve aussi ses racines en Afrique :

En langue kongo : tango signifie « lieu fermé » d’initiation, où s’accordent rituels et tambours.  Le terme aurait ensuite désigné les tambours eux-mêmes, puis la musique produite par ces tambours.

Tango était aussi le lieu d’embarquement désigné par les négriers où ils parquaient les esclaves. Il sera en Amérique, le lieu où on les vendait. Il sera aussi adopté pour désigner les bailes de tangos : les danses et les jeux de tambours des noirs.

En 1788, l’autorité de Buenos Aires juge scandaleux « que l'on ait permis … à la multitude de Noirs libres et esclaves qui vivent dans cette ville, de se réunir pour faire leurs tambos et danses à l'extérieur de la ville, contrevenant aux lois divines et humaines » (Novati). En 1806, Montevideo n’échappe pas à ce jugement : la municipalité s’insurge contre les "tambos bailes de Negros", "los Negros con el tango", et en 1816, à plusieurs reprises, leur interdisent l’entrée de la ville.

 

Sa genèse latino américaine

Au tournant du XIX siècle, les danses de salon européennes immigrent aussi dans ceux du Rio de la Plata :

mazurkas, scottishs, valses.…

Le tango est un métissage de trois danses :

-  le candombé dansé par les esclaves noirs, au rythme syncopé et endiablé soutenu par trois tambores (piano, chico, et repique) appelés tangos. Les descendants empruntent à leurs anciens maîtres, les danses de couples ignorées de la tradition africaine. Les danses de salons européennes comme la mazurka et la polka se déforment à leur contact car les Noirs les investissent d'éléments culturels qui sont étrangers à ces danses. Quant aux compraditos de la ville, ils empruntent aux Noirs cette danse et en singeant leurs figures, inventent des nouveaux pas. Le candombé est présent dans le paysage culturel de Montevideo et reste dans les milongas, la signature de son héritage américain.

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-  la Habanera d’origine cubaine : le nom habanera, issu de La Havane est dû au fait que les chansons étaient crées et chantées par des marins catalans partants pour Cuba. Elles expriment la nostalgie de la terre catalane et des êtres aimés et ces petits détails de la vie quotidienne qui manquent quand on est en mer. Les habaneras catalanes sont un genre de chansons populaires d'origine catalane chantées en catalan. Créole et castillane à la fois, la havanaise, moins trépidante que la milonga, peut être considérée comme une mutation de l’ancienne contredanse espagnole. Dans Carmen, Bizet introduit une havanaise dont le tango lui empruntera ce rythme très lent.

 

-  la milonga, mélodie traditionnelle venue de la pampa argentine et issue du folklore populaire local, épousant des airs nostalgiques italiens du Mezzogiorno dont la tarentelle, et sensuels cubains et andalous, fait apparaître une nouvelle forme musicale.

De fait, les couleurs africaines s’atténuent, le tambour est banni, le violon lui donne des accents mélancoliques d’Europe de l’Est.

 

Son héritage en paroles & musiques

La musique du tango pourrait être résumée ainsi : « une rythmique afro, des musiciens italiens jouant sur des instruments allemands, des mélodies d'Europe de l’Est avec des paroles qui viennent des zarzuelas espagnoles. »

Quant aux paroles, le tango puise ses origines dans les poésies du XVII° siècle appelées « payadas » dont il a conservé le caractère libre du vers. Le tango chanté utilise à ses débuts le lunfardo, argot créé par les « peu fréquentables » à la fin du XVIII° siècle pour ne pas être compris du reste de la population. Grâce au tango, le lunfardo se propage dans toutes les couches de la société argentine jusqu’à devenir un signe de reconnaissance et d’identité dans ses textes; des thèmes majeurs qui s’inscrivent dans la littérature latino-américaine où la solitude est omniprésente tout autant que la nostalgie d’un passé révolu, des amours malheureux, l’obsession du temps qui passe…

La première référence au nouveau genre musical dit tango paraît le 30 août 1855 dans La Tribuna, une composition de Nincenetti. A cette même époque, le piano est intégré à l’orchestre de tango qui se rapproche ainsi de sa forme actuelle : le trio (guitare, violon et bandonéon qui se substitue à la flûte) qui évolue vers le sextuor : deux bandonéons, deux violons, une contrebasse, un piano.

 

 

Son mythe Carlos Gardel

 

 Gardel sm

Le tango gagne ses lettres de noblesse avec le phonographe et les premiers enregistrements. En 1917, la Compagnie argentine Victor Records immortalise la voix d’or du tango, Carlos Gardel.

En 1893, à bord du bateau portugais le Dom Pedro, Charles Romuald Gardes arrive avec sa mère, Berthe Gardes, à Buenos Aires, la ville dont l’enfant allait devenir un demi-dieu et où 85000 immigrés débarquèrent cette année-là.

La qualité dramatique qu’il donne à sa voix de ténor lui vaut le surnom de « El Zorzal », nom d’une fauvette sud-américaine, et de passer en quelques mois des cafés de banlieue aux grandes salles du centre-ville. Il est le révélateur en musique de ce tango dansé. En 1917, au théâtre Esmeralda, il fait « monter le tango des pieds aux lèvres ».

D’un style nouveau, l’intensité dramatique de son lyrisme qui balaie le mélodrame sirupeux des autres chanteurs, transforme le tango en une lamentation mélancolique (La Violetera, Mano a mano, …). Le peuple argentin suit ses succès et s’identifie à lui ; il est la voix de toute une nation, dépositaire des espoirs de chaque Argentin. Le mystère qu’il cultivait sur ses origines, a contribué à accentuer la sacralisation de son personnage auprès tant des Argentins que des Européens.

Il enregistre Volver à New York le 19 mars 1935 : tous les citoyens des causes perdues se reconnaissent dans cette plainte résignée de l’immigrant en errance perpétuelle d’appartenance et d’amour. Trois mois après ce tango qui se veut prémonitoire, il ne sera jamais de retour et meurt dans un crash d’avion en Colombie.

Carlos Gardel est une icône dans la mémoire de Buenos Aires. Sa disparition, si elle marque la fin de l’âge d’or du tango, plonge la ville, l’Argentine et le tango dans un deuil profond qui servira de paravent aux transformations socio-économiques que subit le pays depuis la crise de 1929.

 

Ses valeurs nomades

Les fils de bonne famille, prêts à s’encanailler dans les bas-fonds de Buenos Aires et y séduire les milonguitas, s’approprient la danse des porteños et l’introduisent dans les maisons closes bourgeoises avant de s’engouffrer dans les salons de danse du centre-ville. De l’autre côté du fleuve à Montevideo, les premières academias, qui plus tard deviendront des salles d’enseignement et de pratique du tango, commencent à éclore.

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Du début du siècle aux années 30 : le tango navigue entre les faubourgs et la bourgeoisie rioplatense en faisant une escale... en Europe. Le tango devient une culture de voyage, écrite pas à pas par les immigrants, dans un livre aux mots tourmentés. Les marins argentins propagent les premières partitions dans les ports européens dont Marseille en 1906. Des enregistrements seront gravés plus tard à Paris par la génération 1910 des musiciens argentins.

C'est à Paris que de jeunes bourgeois argentins en voyage initiatique entraîneront la société parisienne, cosmopolite, à l'affût de culture exotique et de sensualité latine pour s'égayer à cette danse des bouges et des tripots de Buenos Aires et de Montevideo.

Une violente offensive en 1914 de l’Eglise met à l’index le tango jugé indécent, Pie X le condamne. Mais le tango argentin qui a déjà retraversé l’Atlantique, fait fureur dans les salons parisiens à la mode. Il sera réhabilité par Benoît XV.

En entrant dans les salons, cette danse qui n’inspirait que déchéance et impudeur aux classes moyennes, se

débarrasse de ses oripeaux et devient plus distinguée. C'est grâce à cette aura européenne que le tango se diffusera dans la bonne société argentine et uruguayenne, en retraversant l’Atlantique pour revenir sur ses terres natales. La bourgeoisie argentine, très sensible à la mode parisienne, accepte enfin ce genre devenu convenable.

Après la crise de 1929, le tango se démode fortement en Europe, exception faite de la Finlande qui en fera sa danse de salon. Le tango retourne alors en Amérique latine.

Du début du siècle aux années 30, la danse évolue et des pas plus complexes apparaissent pendant que le tempo du tango se ralentit fortement. Durant cette période de la Guardia Vieja, le tango dansé se pratique alors sur des tangos, des milongas et des valses.

Les années 1940 à 1955 voient l’Argentine sortir de la récession et la présidence de Peron coïncide avec l'âge d'or du tango. Tempo et rythme des tangos joués (mais aussi des milongas et des valses) se réaccélèrent un peu et se diversifient. Parmi les plus grands musiciens : Aníbal Troilo, Osvaldo Pugliese, Francisco Canaro. Quelques 600 orchestres de tango recensés à la fin des années 40, tournent à plein régime à travers l'Argentine, se concentrant sur le grand Buenos Aires qui dépasse 5 millions d'habitants.

Dans les années 60, l’esprit tango est réincarné dans une musique de concert sous l’impulsion d’Astor Piazzolla, qui n’a pas dédaigné flirter avec le jazz et le rock. Il délaisse le rythme traditionnel et le remplace par une respiration plus nuancée. Néanmoins, démodé, le tango saute une génération. Mais après un lent déclin jusqu’en 1980 dû à l’influence de nouvelles musiques sur la jeunesse argentine, notamment le Rock'n roll, la Pop... et trois décennies de violences et d'instabilités politiques et sociales en Argentine, c’est l’écho international du tango nuevo qui va réveiller le tango portègne. Astor Piazzola avait fait comprendre que le tango était l’essence du peuple argentin. Horacio Salgán, pianiste exceptionnel et novateur, incorpore beaucoup d’influences musicales modernes dans ses compositions et assure la continuité créatrice dans la tradition. Mosalini, musicien autodidacte, né en Argentine en 1943, s’exile en France pour élaborer une méthode de bandonéon et réinvente un art presque oublié.

Alfredo Gobbi

(14 mai 1912 – 21 mai 1965). Il fut le Maître du Tango romantique et 'canyengue'. Un des

piliers de l’histoire du tango. Auteur de tangos inoubliables comme « A Orlando Goñi », « El

Andariego » ou « Camandulaje ».

Aníbal Troilo

(11 juillet 1914 – 18 mai 1975). Il fut une figure emblématique qui sut reprendre les

styles de grands bandonéonistes comme Pedro Maffia, Pedro Laurenz et Ciriaco Ortiz,

dans un timbre propre au sein de son orchestre où débuta Astor Piazzolla.

Carlos Di Sarli

(7 janvier 1903 – 12 janvier 1960). Il a été un Maître du tango ‘simple’ au style lent et

délicat. Di Sarli se caractérise par la qualité de gestion de la main gauche au piano et de

remarquables arrangements pour cordes.

Francisco Canaro

(26 novembre 1888 – 14 novembre 1964). Un autre parmi les pionniers du genre,

auteur de nombreux tangos comme « El Chamuyo » ou « La Tablada ». Notoire

producteur de comédies musicales, de films et fondateur de la Société Argentine

d’Auteurs et Compositeurs (SADAIC).

Horacio Salgán

Horacio Salgán représente la dernière évolution de l’Orquesta Típica del Tango. Excellent

pianiste, compositeur et arrangeur, ses créations sont remarquables. Créateur avec le

guitariste Ubaldo de Lío, avec lequel il joue depuis plus de 40 ans, du mythique Quinteto

Real. Il est le compositeur de « A fuego lento ».

Juan D’Arienzo

(14 décembre 1900 – 14 janvier 1976). Grâce à son style simple et bien marqué, il a su

rendre le tango aux danseurs et initia ce qui est devenue la Décennie Dorée du Tango.

Osvaldo Fresedo

(5 mai 1897 – 18 novembre 1984). Un des pionniers du Tango raffiné. Il va apporter des

timbres exotiques et donne au Tango une personnalité qui influencera de nombreux

artistes. Fresedo s'est produit pendant plus de soixante ans, dans un souci constant

d’évolution. Il est l’auteur de tangos d'anthologie.

Osvaldo Pugliese

(2 décembre 1905 – 25 juillet 1995). Le Maître de l’Humilité. Celui qui rayonne. La

cohérence d’un artiste majeur dont le style se perpétue. Créateur de « La Yumba » et «

Recuerdo ».

 

Les années 1990 voient renaître le tango de ses cendres grâce notamment à des tournées mondiales telles que « Tango Argentino » créée à Paris en 1984, jouée à Brodway en 1985 et en 1986 à Buenos Aires; depuis, il a explosé dans les jeunes générations et s’est démocratisé autant en Argentine qu’en Europe. Le groupe Gotan Project a aussi mondialement contribué à rénover le tango dans la jeune génération en introduisant la sonorité électro dans ses compositions.

C’est ainsi que la culture du tango, une des formes des plus authentiques de musique populaire et une des danses les plus créatives du siècle dernier, a survécu jusqu’à être accaparée aujourd’hui par toutes les nationalités et être inscrite le 30 septembre 2009, au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco

 

Son opposition au « tango de salon »

Le tango « rioplatense » est une danse d’improvisation et de ressenti, non standardisé, où aucun pas ou aucune séquence ne se répète, qui n'a de cesse d'évoluer, où les bustes sont souples et mobiles.

Le tango dans l'imaginaire collectif européen fut longtemps et est encore souvent associé à une danse rétro de salon, voire de cabaret, c'est-à-dire à un type d'énergie de danse très tonique et parfois sec, que les amateurs de tango rioplatense trouvent même parfois guindé ou raide, et qu'ils n'aiment pas beaucoup car elle donne une fausse image de leur danse, à l'opposé de ce qu'elle est.

Le tango argentin a toujours été, dans les bals, une danse improvisée, très fluide, souple et au ras du sol. 

 

Ses pas et sa technique

Le tango est d'abord une marche, principalement sur les temps forts de la mesure (les temps 1 et 3

de la mesure à 4 temps du tango, le temps 1 de la mesure à 3 temps de la valse.) Lorsque l'on danse

un contretemps, la marche s'accélère brièvement: on danse alors sur les temps forts et faibles.

Il n'existe pas de pas ou séquence conventionnelle à reproduire ou à apprendre par coeur. Le pas de

base, dit «salida», est enseigné aux débutants par vertu pédagogique, mais il est rarement pratiqué

en bal. Un danseur qui guide sa partenaire n'a pas de raison d'effectuer cette séquence particulière et

apprend à se déplacer sur la piste sans penser aux pas. Chaque tanguero danse selon son propre

ressenti. De ce fait, il n'y a pas d’école de tango proprement dite, mais est une danse qui est un

apprentissage et un engagement de toute une vie. La passion que le tango suscite est telle que les

tangueros maestros se produisent la plupart du temps jusqu'à leur mort.

L’homme qui guide, ne le fait pas littéralement avec les bras, ni avec les mains, mais avec le buste,

avec le poids du corps. Ce guidage qui semble imperceptible vu de l'extérieur, est en fait infiniment

plus clair pour le partenaire qui suit, que s'il était effectué directement avec les bras. La danseuse suit

pour garder l'axe du couple, tout en gardant l'équilibre sur son propre axe, sans chercher à anticiper

les pas. En aucun cas il ne s'agit de porter le poids de l'autre, ou de faire porter son poids à l'autre :

c'est un langage de communication corporelle.

Bien que fondé sur des pas de marche naturels, le tango est probablement l'une des danses les plus

difficiles à maîtriser. Les figures y sont nombreuses et parfois complexes. La danseuse peut être

amenée, sur certaines figures, à évoluer à un rythme différent de celui du danseur. C'est donc l'une

des danses qui exige le plus de complicité dans le couple. C'est pourquoi la position du couple est

différente de celle des autres danses. Le bras droit du danseur va plus loin dans le dos de la danseuse,

de manière à établir un contact franc entre les deux partenaires.

 

Son rythme musical

Le tango est fondé sur des ruptures de rythme.

Sur le pas de base, on compte "lent", "lent" : le danseur avance alors le pied gauche puis le pied droit, la danseuse reculant le pied droit, puis le pied gauche", puis "vite", "vite" sur des pas très courts ou sur le côté, puis "lent" : le danseur avance son pied gauche... et ainsi de suite : "lent" "vite" "vite" "lent" "lent" "vite" "vite" "lent"...

Le 2x4 est une expression utilisée à Montevideo et Buenos Aires pour décrire le tango, qui fait aussi référence à une certaine rythmique de tango.

 

Et son ressenti

Le tango est une danse en recherche permanente. « On ne connaît pas le fondement structurel et

technique du tango. On en est encore à discuter si l’on doit ouvrir l’abrazo, qu’elle est la bonne

distance, qu’elle est la lecture que l’on doit faire de la technique » Gustavo Naveira.

Le tango est une pensée triste qui se danse (Enrique Santos Discépolo, compositeur).

Loin des clichés de séduction fatale, l'utopie tango, c'est la fusion (Emmanuelle Honorin, Livret

Paris-Quartiers d'étés 2007).

Le tango est foncièrement baroque. L’esprit classique avance droit devant lui. L’esprit baroque

s’offre des détours malicieux, délicieux. Ce n’est pas qu’il veuille arriver plus vite. Ce n’est

même pas qu’il veuille arriver. C’est qu’il veut jouir du voyage (extraits de Buenos Aires de

Alicia Dujovne Ortiz. Des villes, éditions du Champ Vallon).

 

Son univers, la milonga

La milonga ne désigne pas seulement un rythme particulier où les danseurs dansent plutôt en posture fermée, mais aussi le lieu ou l'on danse le tango, et également la soirée dansante proprement dite.

Autrefois, la milonga était cantonnée dans les lieux de mauvaise vie.

On peut aussi employer le terme bal. En France, dans le milieu du tango, le « bal » est communément utilisé pour définir une soirée ponctuelle dans un lieu donné. La « milonga » fait référence à une soirée qui a lieu régulièrement  au même endroit, en général chaque semaine et réservée au tango.

Comme le tango est une marche, les danseurs tournent ensemble dans le sens du bal inverse des aiguilles d'une montre. De l'espace du bal, se dégage aussi une énergie collective, à laquelle tous participent, et qui se retrouve, même inconsciemment, dans la danse du couple.

 

Son code d’invitation, le « cabeceo »

Le cabeceo désigne la manière traditionnelle, délicate et discrète, d'inviter un ou une partenaire à danser par le regard. Chacun guette discrètement le regard de celui ou celle avec qui il souhaite danser. Un regard détourné signifie un refus. Si les danseurs soutiennent mutuellement le regard, alors l'homme fait un léger signe de tête pour signifier l'invitation. À Buenos Aires, le cabeceo est très répandu, même dans les milongas fréquentées par les jeunes. S'il est rare qu’une tanguera se déplace pour inviter un tanguero, elle guettera son regard et celui-ci comprendra clairement qu'elle souhaite danser avec lui, et n'aura alors plus qu'à faire un signe d'invitation. Le cabeceo est simplement un moyen pratique et discret d’inviter sans provoquer, ni gêner.

Quand un couple de danseurs arrive sur la piste de danse, l’homme ouvre son bras gauche et offre sa main. La femme s’approche et choisit la position de l’étreinte, rapprochée ou éloignée. C’est donc à la femme de déterminer à quelle distance ils vont danser. Arrivés sur la piste, ils attendent quelques mesures et se positionnent par rapport à la circulation sur la piste de danse avant de commencer à danser.

Le tango se danse en silence : on ne parle pas, on ne chante pas.

 

Son code couleur, le noir

Cette couleur vestimentaire a des origines multiples. Depuis des temps immémoriaux, elle protège du soleil dans les pays chauds; elle est une tradition vestimentaire dans tous les pays occidentaux latins, Espagne et Italie, dont les immigrants ont largement contribué au peuplement de l’Argentine à la genèse du Tango.

Couleur symbolique imposée par le Clergé de Constantinople au V° siècle, en signe d’abnégation et d’obéissance à Dieu et perpétuée par tous les ordres chrétiens au cours des siècles suivants, l’opposant au blanc du bien, de la virginité et de la pureté de l’âme. L’Occident a fait du noir, la couleur du mal, du deuil, des ténèbres, de la nuit où se concentre l’énergie et se féconde la vie.

Le noir, symbole de la révolte, de la piraterie, de l’anarchie, devient au début des années 30, la couleur de la dignité et de l’élégance dans les soirées mondaines, les cérémonies, puis celui de la séduction par excellence : le « latin lover » et la femme fatale se le sont appropriés. Le noir fait pour cacher devient une couleur forte de la séduction, il sublime, provoque, captive. Paradoxal, associé au mystère et à la protection charnelle, il épure les contours et se porte aussi bien le jour que la nuit.

Pour toutes ces raisons et d’autres plus psychologiques allant jusqu’à la symbolique de groupe, les danseurs de tango ont revêtu cette couleur pour se démarquer à travers la théâtralisation de leur danse, tel un code culturel destiné à les faire se reconnaître, se rassembler, qui marque leur appartenance à une culture unique, complexe, envoûtante.

Le noir se conforme à tous les styles raffinés ou clinquants, et les matières, velours, soie, dentelle, résille, coton, cuir, … en fonction des personnalités; avec un soupçon de rouge passion ou de blanc virginal, il devra toujours être exploité avec intelligence et sobriété.

 

Sa littérature et son cinéma 

Cinéma tangoLe tango, c'est aussi :

Une littérature avec de nombreux auteurs de chansons et de textes, tels que : Leopoldo Marechal, Homero Manzi, Celedonio Flores, Evaristo Carriego, Enrique Discépolo, Jorge Luis Borges …

Et un cinéma, avec des films où chantent Carlos Gardel (El día que me quieras) , Libertad Lamarque, Hugo del Carril, et des films comme El exilio de Gardel et Súr de Fernando Solanas (chanteur, Roberto Goyeneche et musique écrite par Astor Piazzolla) … Et plus récemment, pour ne citer que La leçon de tango de Sally Potter, Nosotros de Diego Martinez Vignatti, Si sos brujo de Caroline Neal, Tango de Carlos Saura…

 

 

 

Vous pouvez retrouver l'histoire du tango (plus complète sur certains points, moins sur d'autres)  sur ce site :

 

http://www.nhusser.com/College/cham4/Tango/Tangocomplet.htm

 


 

 

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